Ce matin, j'ai voulu, avant la foule, avant l'aube, écouter une musique légère, un rythme coloré, pas trop fort, mais ça n'a pas marché. Il a changé de disque. Il s'est assis, lourd, la nuque en arrière ; la bouche ouverte en o, il fait des ronds de fumée. Les jambes croisées, il regarde le plafond et je ne lui demanderai pas ce qu'il voit. Je choisi une robe, cerne mes yeux de noir, en espérant un regard. Rien. Je chante, lui raconte des histoires, je lui pose des questions, ca-t-il pleuvoir ? Je sais qu'il ne s'intéresse plus à ce qui se passe ici, ou ici bas, à moi, aux gens. Sa bouche retient les mots, il pousse avec le ventre, pour approuver, sans bruit. Je peux baisser la musique ? Il a bougé, un doigt. Je finis de m'habiller, et j'attends quelques chose en me présentant à lui, un sourire, un accord, il transpire, il étouffe, il prend froid dans son jus. Il a peur, de quoi, de moi, il inspire, il se lève, on y va ? Il faudra s'arrêter en chemin pour acheter des clopes c'est demain quelles augmentent. Il hoche la tête, encore, sans trouver la force de me dire oui ou non. A tâtons, il appuie sur le bouton de la chaine. Il l'éteint, et moi avec.
Assis dans le bus, l'un à côté de l'autre. Le silence. Ma main sur sa cuisse, je pose ma tête sur son épaule, je sais qu'il ne faut pas lui demander ce qu'il a ; comme si de rien n'était, j'ignore, j'attends, qu'il tourne la tête, me regarde. Il tremble, le froid le dérange, les gens l'énerve. Je sais qu'avant midi il n'aime pas discuter, il peut même s'enfermer après le déjeuner, et attendre le soir. Quand la nuit tombe il sort marcher. Toujours, il refuse que je l'accompagne. Quelques fois, il se perd, dehors ou sur un banc, peu importe, mais ses yeux son vides, mort. Plus rien ne pétille en lui. Il a le c½ur malade, son âme est abîmée, mais, lui dit que ça va. Le bus s'arrête à la station, nous descendons. Il attend un instant, avant de lancer, enfant pâle qui peine à avancer. Le temps se fige. Je détourne la tête, comme s'il venait de me gifler. Il ne peut plus voir mon corps tourmenté par la peur, je sens que rien ne pourra le détacher de lui-même. Parfois je me demande si ce n'est pas ma présence qui l'oblige à se taire, à m'ignorer.
Au tabac, il s'énerve, tape du pied, ne voudrait pas que, devant lui, l'homme plaisante au lieu de se dépêcher de payer. Ses mains tremblent, il fait tomber de la monnaie, se penche pour la ramasser, et alpague violemment la femme venue l'aider. Les minutes s'écoulent. Il revient vers moi, son paquet serré contre lui, sa chemise mal arrangée, ses sourcils froncés et sa bouche contractée, regardant l'horizon sans jamais s'attarder à ce qu'il ya devant lui, moi. Je lui demande si ça va, pour qu'il ne me réponde pas, ignorance. Quand enfin il ouvrit la bouche, les mots qui en sortirent me paralysèrent. Tu sais, je vais te quitter, me dit-il sans me regarder. Un temps. Il sourit. Je ne le vois pas, je le sais. Les larmes me montent aux yeux, comme ce matin, les ronds au plafond. Dramatique, impossible, une folie, une méprise, un dégout, tous ses mots à la suite. Ma seule crainte, étrange, c'était qu'il se tue, soudain, au coin de cette rue. Il disparut.
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Empty-eleven, Posté le lundi 25 janvier 2010 09:05
Coucou :)